Digitaliser le commerce de proximité, le pari de Wino
Léo et Benjamin sont deux camarades de classe (P2019) ayant créé l’entreprise Wino. Elle propose un service de gestion globale pour les commerçants de proximité spécialisés dans les métiers de bouche, imaginé et développé durant leurs années à HETIC. Depuis leur première année à plein temps en 2020, l’entreprise ne cesse de croître.
Publié le 8/03/2021 — Temps de lecture 11 minBonjour Léo, bonjour Benjamin. Pourriez-vous commencer par vous présenter aux personnes qui vont vous lire ?
Léo Le Bras : Je m’appelle Léo Le Bras, de la promotion P2019. Je suis cofondateur de la société Wino. J’y gère une équipe technique de 5 personnes. Je suis un développeur front-end à la base, puis porté sur le back-end et l’infrastructure ces dernières années.
Benjamin Corsini : Je suis Benjamin Corsini, co-fondateur de Wino. Je fais partie de la P2019 comme Léo. Je m’occupe de toute la partie marketing qui comprend : business, développement et marketing. J’ai une équipe de deux personnes avec moi, bientôt trois.
Pourquoi avoir suivi le Mastère à HETIC en 2014 ?
Benjamin Corsini : Tout d’abord, quand nous sommes arrivés à HETIC, il n’y avait pas autant de formations, ce n’était pas aussi développé. Ce n’était pas possible d’avoir des spécialités front-end/back-end et autres comme ça l’est aujourd’hui. C’était vraiment “HETIC Grande École", il y avait un cursus en cinq ans. Mais cela nous a servi énormément dans notre parcours car ce cursus nous a donné une casquette pluridisciplinaire. Ainsi, Léo a aussi des connaissances business et moi des connaissances techniques et design.
Léo Le Bras : Pour ce qui est du choix de l’école en particulier, personnellement, j’étais intéressé après le bac par une école spécialisée dans les métiers d’internet. J’étais déjà passionné par tous les enjeux de programmation et de développement en amont de l’école et je cherchais une formation qui pourrait approfondir cela. De plus, je cherchais à développer mes capacités en design et business et j’ai donc choisi HETIC sachant qu’à l’époque il n’y avait pas vraiment d’écoles qui proposaient une formation avec tous ces axes.
Avez-vous toujours été intéressé par l’entrepreneuriat, était-ce une ambition ou bien avez-vous commencé car vous en aviez l’occasion ?
Léo Le Bras : En rentrant à HETIC, l’entrepreneuriat m’intéressait mais ce n’était pas du tout un objectif. Je voulais être capable de créer mon produit moi-même et apprendre sur le tas comment le créer, de la partie technique/business jusqu’à sa mise en ligne. L'entrepreneuriat, la volonté de créer son entreprise, l’aspect business et finance, tout cela n’était pas du tout un objectif à la base. C’est venu un peu par hasard, mais je m’y suis directement accroché car c’est extrêmement stimulant pour évoluer.
Benjamin Corsini : Pour ma part, c’est assez différent. J’ai rejoint le projet qui était déjà en cours donc forcément, j’étais directement dans une optique entrepreneuriale. Mes parents étaient entrepreneurs et j’ai toujours baigné dans ce milieu, ça a été assez naturel : je n’avais pas la peur ou l’hésitation que certains peuvent avoir au moment de se lancer. Je pense que c’est quelque chose qui fait partie de moi et qui m’anime aujourd’hui.
Capture d'écran du site web de Wino (© DR)
Wino est un projet qui a été pensé en 2015. Léo, pourrais-tu nous parler de son élaboration en collaboration avec Ophélie ? Le projet a-t-il été développé dans le cadre du projet entrepreneurial de cinquième année à HETIC ?
Léo Le Bras : Wino est un projet qui a un gros historique. En 2015, un membre de la promotion a eu l’initiative de réunir plusieurs personnes afin de créer un projet. L’idée initiale était de développer une application de conseils en vins, totalement différente de ce que l’on fait aujourd’hui car c’était une application en B to C, en direction des consommateurs et maintenant nous sommes en B to B et ciblons les commerçants. Nous partions de zéro, avec aucune connaissance dans le domaine du vin mais nous voulions savoir ce que signifiait “créer une application” à tous les niveaux.
Ophélie, qui est aujourd’hui CEO de Wino, a rapidement rejoint l’équipe car nous avions besoin d’une personne axée design à l’époque et nous travaillions de temps en temps ensemble pour des projets de moins grande envergure. Pendant cette période nous testions, nous apprenions et, au fur et à mesure, nous avons formé une équipe afin de grandir. Ce n’était pas évident car il y a eu pas mal de mouvement. Le but était de trouver des personnes qui partagaient la même idée de ce que devait être Wino et la même vision de ce qu’était une entreprise. On est passé de cinq associés à l’époque à trois aujourd’hui. Nous avons pris du temps pour savoir où nous voulions aller et constituer une équipe. Pour ce qui est du projet entrepreneurial de cinquième année, Wino existait déjà, on a donc profité de ce temps pour travailler sur ce projet mais ça a vraiment été créé en amont entre les cours, le soir, ou encore le week-end.
Comment présentez Wino aux personnes qui vont vous découvrir avec cette interview ?
Benjamin Corsini : Wino est un service global pour le commerçant de proximité spécialisé dans les métiers de bouche (cavistes, épiceries fines,...). C’est un outil de gestion global et central du point de vente. Grâce à Wino, ils peuvent gérer tout leur business - encaissement et gestion des particuliers, des professionnels, gestion de la fidélité et suivi du client, du réapprovisionnement, etc. Cet outil leur permet de gérer tout leur point de vente. Les commerçants ont juste besoin de Wino et d’un cabinet comptable pour travailler au quotidien.
Léo Le Bras : En soit, c’est une approche qui n’a rien de révolutionnaire. On s’est rendu compte que ce marché manquait d’outils, de digitalisation. De plus, des normes sont arrivées en France, obligeant les commerçants à se digitaliser et avoir des logiciels de caisses, ce qui nous a été profitable. Le but est aussi d’être présent sur toute la chaîne de valeur du commerçant : de l’approvisionnement de ses marchandises jusqu’à la vente finale en passant par le paiement, la fidélisation, etc.
Benjamin, tu as rejoint le projet en 2017. Il y a-t-il une raison particulière ou était-ce simplement parce que tu t’entendais bien avec Léo ?
Benjamin Corsini : Ça s’est fait assez naturellement car nous étions dans la même promotion et qu’il avait besoin d’une partie un peu plus business, quelqu’un qui allait chercher les clients, être à leur écoute, avec une facilité d’échange. On a discuté et le projet m’a vite attiré, aussi bien pour le côté un peu épicurien lié au vin que pour le reste. Maintenant, on est ensemble au quotidien donc c’est vraiment sympa.
Quelles ont été les difficultés majeures dans la mise en place de ce projet et quelles sont vos ambitions ?
Benjamin Corsini : On a plein d’ambitions aujourd’hui pour Wino. On a connu une année 2020 où l’on a beaucoup grossi en passant de 3 à 10 personnes et on devrait continuer notre développement en 2021. Notre ambition est d’être un outil central sur le marché des commerçants de bouche spécialisés en France et de poursuivre notre développement commercial par le recrutement de nouveaux clients. L’idée est vraiment de continuer sur cette trajectoire et d’avoir des objectifs assez élevés pour que tout le monde évolue dans le même sens et qu’il y ait une motivation globale au sein de l’entreprise.
Pour ce qui est des problématiques, il est évident que nous en avons rencontré plus d’une. Je pense que c’est impossible de créer une entreprise et de n’avoir aucun problème. On en a rencontré sur la partie business, technique et d’autres. Ce n’était pas évident à surmonter mais je pense qu’on y parvient aujourd’hui car on a davantage de maturité et de recul. On a parfois fait des choix techniques qui nous ont pénalisés ou des choix business non-adaptés, comme nos choix de clients qui n'étaient pas nos cibles à ce moment-là.
De plus, il y a des aspects comme la comptabilité qu’on ne connaît que très peu, voire pas du tout à HETIC. Nous avons dû apprendre sur le tas, nous permettant aujourd’hui d’avoir énormément de connaissances sur le sujet.
Léo Le Bras : Pour ce qui est des ambitions, cela ne fait que peu de temps que nous sommes à temps plein sur le projet Wino, seulement depuis 2020. Ce n’était pas évident avec la COVID mais nous avons réussi à créer une belle croissance. Il faut réussir à s’imposer chez les commerçants et dans le marché du vin, au-delà du métier de caviste. Il y a plein de choses à faire sur ce marché qui n’est que très peu digitalisé. Il y a aussi des ambitions propres à chacun dans l’entreprise. Par exemple, je suis encore très jeune et je souhaite gagner en compétences sur plein de sujets techniques et créer une équipe de plus en plus importante.
Comme Léo le dit, vous avez commencé pendant une période très compliquée. La situation de la COVID-19 vous a-t-elle empêché de faire ce que vous auriez voulu ?
Benjamin Corsini : Au début de la pandémie, nous avons senti un frein, une réticence chez certains de nos clients. On a senti un vrai coup d’arrêt au niveau des signatures car nos clients avaient peur, ne savaient pas où ils allaient. Au fur et à mesure, cela s’est amélioré car nos clients étaient considérés comme des commerces essentiels et sont donc restés ouverts. Cela leur a permis de connaître, dans l’ensemble, une augmentation de leur chiffre d'affaires. Nous avons pu créer des liens avec nos clients, mieux les comprendre et leur montrer que nous étions là au quotidien pour les accompagner. Nous avons développé plusieurs solutions en réponse à la pandémie, tel que le click & collect ou des paiements de facture à distance.
En plus de vos compétences professionnelles, que vous a appris l’élaboration et le développement de ce projet au niveau personnel et social ?
Léo Le Bras : Une aventure entrepreneuriale permet toujours d’apprendre beaucoup de choses sur l’humain. Autant sur le développement d’une équipe d’associés pour avoir un projet qui tient la route et une entente sur le long terme que sur la formation d’une équipe de collaborateurs, son management et la compréhension du projet par chacun des participants : savoir ce qu’ils veulent et où ils veulent aller, c’est très important. On crée quelque chose en partant de zéro, on apprend en permanence et on se débrouille, au-delà des compétences. Savoir s’en sortir et demander des conseils est très important. C’est très dur au démarrage, mais les problématiques deviennent de plus en plus complexes et tout se consolide.
Benjamin Corsini : Le côté humain prime au démarrage d’un projet comme le nôtre. On apprend beaucoup de nos associés, on apprend à se découvrir et c’est très enrichissant. Nous avons des idées diverses qui permettent une collaboration et une entente très forte. Aujourd’hui, entre Léo, Ophélie et moi, il y a une vraie relation, plus que professionnelle. Il y a une relation amicale très forte. Pour l’aspect professionnel, notre parcours rappelle un peu celui à HETIC où l’on abordait plein de matières différentes, plein de sujets variés et où l’on assimilait donc plein de connaissances diverses.
Y-avait-il à votre époque à HETIC un réseau d’entraide, d’entrepreneurs qui vous a aidé dans votre aventure ?
Benjamin Corsini : C’était vraiment moins développé qu'aujourd'hui. Il y a eu une grosse révolution sur ce sujet-là avec l’alumni. Nous avions quelques contacts avec des personnes d’autres promotions qui travaillaient dans des start-ups ou encore des intervenants qui nous aidaient. Nous nous sommes créés notre propre réseau. Ça aurait pu nous aider sur certains points et certaines problématiques mais ce n’est pas très grave, c’est aussi ce qui nous a forgé à devenir ceux que nous sommes aujourd’hui.
Quel conseil donneriez-vous aux nouveaux héticiens, aux personnes souhaitant entreprendre ?
Léo Le Bras : Ce n’est pas évident de donner des conseils. Il faut savoir que l'entrepreneuriat n’est pas du tout une étape obligatoire, chacun choisit ce qu’il souhaite faire.
Benjamin Corsini : Je pense qu’en arrivant à HETIC, il ne faut pas vouloir être entrepreneur à tout prix. Il faut se construire, s’entourer des bonnes personnes et développer, si l’on en a l’occasion, un projet qui a du sens sur un marché qui en a besoin. On trouvera à ce moment-là un sens à “entreprendre”. Je pense qu’arriver à HETIC ou être en cinquième année et avoir dans la tête qu’il faut à tout prix entreprendre n’a pas vraiment de sens. Il y a un contexte, il n’y a pas que soi. On oublie souvent ces aspects, il ne faut pas non plus un cadre parfait mais il faut être entouré des bonnes personnes et trouver un but, un sens.
Léo Le Bras : Je complèterais en disant qu’il faut garder les pieds sur Terre. Il ne faut pas forcément vouloir créer un projet énorme, une très grosse start-up avec d’importantes levées de fonds. On peut aussi créer une petite entreprise et s’épanouir en grandissant progressivement. Il ne faut pas avoir peur de commencer par faire petit pour grandir, il faut prendre son temps.
Benjamin Corsini : Effectivement, prendre son temps est très important. Cela nous a beaucoup servi sur des décisions importantes.