Opinion

“Je me sens bien dans cette école, c’est devenu comme une seconde famille”

Alex Painnot
Alex Painnot

“Je suis en première année de Bachelor Web, dans un domaine qui me passionne. En début d’année, je me suis livré à la promotion à propos de mon handicap. J’ai été surpris des réactions de bienveillance.”

Publié le 11/06/2020 — Temps de lecture 5 min

“Plus j’avance et plus j’ai de bonnes nouvelles ! J’ai trouvé mon stage de fin de première année de Bachelor Web, pour juillet et août. Je vais faire du design de logo dans un premier temps. Ce sera peut-être dans cette entreprise que je ferai mon alternance de deuxième et troisième années. Je l’avais repérée sur une vidéo. On voyait le témoignage d’un responsable qui était comme moi en situation de handicap. Il sera mon tuteur pour le stage. Ce sera intéressant, humainement et professionnellement.

Un gars hypersensible

“J’ai eu un accident quand j’étais petit. J’avais 18 mois, c’est arrivé à la crèche. Ma moelle a été touchée. J’ai un handicap moteur et des difficultés d’élocution. J’ai fait énormément de rééducation durant près de vingt ans. J’ai toujours cherché à m’améliorer, pour avoir accès aux mêmes droits que les autres. Je remercie mes parents de m’avoir mis dans des écoles normales, même si je n’aime pas trop ce terme.

“Depuis deux ans, je fais un travail d’approfondissement avec un psychologue, d’acceptation du handicap. Il y a encore des conflits dans ma tête, le soir je suis parfois rempli de colère. Je suis un gars hypersensible, qui prend tout au premier degré. Quand je suis arrivé à HETIC, en septembre 2019, j’ai décidé de me confier aux étudiants de ma promotion sur mon handicap. J’ai été surpris de voir leur réaction de bienveillance. C’est pour cela que je me sens bien dans cette école. C’est devenu ma seconde famille.

Confiance et respect

“J’ai noué des liens très forts avec Namiko Gahier-Ogawa, qui est intervenante en Bachelor Web pour la prise de parole et la dynamique du mouvement [lire son entretien, “Le corps n'est pas une machine, mais un instrument”]. C’est avec elle que je me confie le plus. C’est important pour moi, cette confiance que j’ai en elle, notre lien particulier. Cela me touche énormément. Cela est en rapport avec la confiance et le respect. Il y a un vrai échange qui se crée. Elle m’aide à gérer ce dont j'ai besoin, et aussi à être prêt le jour J. C’est avec Namiko que j’ai préparé la vidéo de candidature pour le concours d’éloquence organisé par HETIC. Je n’ai pas été choisi pour la finale. J’étais déçu, mais c’est comme ça.

"Début juin 2020, j'ai participé au premier concours d'éloquence organisé à HETIC. Pour ma prestation vidéo de trois minutes, j'avais choisi le thème : Peut-on être normal ?” (Capture d'écran © DR)

“Je me sens tellement mieux depuis que je suis arrivé à HETIC. Je n’ai pas découvert de simples étudiants mais des camarades qui sortent du lot. J’ai des copains fantastiques et bienveillants. On parle sans barrières. Je suis touché de voir les gens venir discuter avec moi. Ils sont ouverts d’esprit, je l’ai compris assez vite. Mon expérience est comme une renaissance, dans le sens où j’ai aussi trouvé ma voie. Je suis content de pouvoir travailler dans un domaine qui me passionne : le design, le front et le back. J’ai toujours été intéressé par l’informatique.

Attrait pour le Web

“Après le baccalauréat, j’ai fait deux années d’études de BTS en conception des produits industriels (CPI). On avait pris la même décision avec un camarade de Terminale. Mais c’était trop orienté mécanique pure. Moi, j’étais plutôt attiré par tout ce qu’on peut faire avec un ordinateur. Je suis allé dans une école d’ingénieurs, mais cela ne me correspondait pas. J’avais plus d’attrait pour le Web que pour le code en tant que tel.

“J’avais repéré plusieurs écoles. Je suis allé aux portes ouvertes de l’Institut de l’Internet et du Multimédia (IIM). Ça n’a pas collé. Je crois que durant l’entretien, j’ai trop parlé de moi. Il y avait aussi HETIC dans ma liste. J’ai pris rendez-vous et j’ai rencontré Brontis Guilloux, le responsable du Bachelor Web. Nous avons passé deux heures ensemble, à parler de tas de choses. Il a été le premier à me dire que j’avais été accepté. J’étais fier et content ! Avec HETIC, j’ai trouvé une école qui me plaît.

Campus 100 % virtuel

“Dès les premiers jours de cours, je me suis confié à la promotion sur mon handicap. Je voulais montrer ce qu’il y avait derrière le masque de l’étudiant. Les cours sur les fondamentaux de la communication personnelle et interpersonnelle, animés par Jean-Dominique Poupel et Kévin Risser, ont été une occasion de le faire. Ce sont aussi deux personnes importantes dans mon parcours à HETIC. Le premier vendredi, on s’est retrouvés entre étudiants au Birdie’s, un café près du campus. Deux camarades sont venus vers moi pour me féliciter d’avoir pris la parole. Je vois un petit lien invisible avec les personnes à qui je parle de mon handicap.

“Nous avons vu beaucoup de solidarité durant le confinement. Nous utilisions la plateforme Blackboard Collaborate, qui est un très bon outil collaboratif. On peut se concentrer sur le cours et être plus attentif, car il n’y a pas le bruit qu’on retrouve dans une salle de classe. En parallèle, nous utilisons un serveur Discord, pour nous entraider entre étudiants sur des questions plus techniques. On pourrait imaginer un campus 100 % virtuel, pourquoi pas ?

Travail sur soi

“J’avance et je me sens bien. À tout le monde, j’ai envie de dire : Regardez-moi, et ne me traitez surtout pas d’handicapé. Je suis quelqu’un en situation de handicap, et avant tout un être humain. Je travaille beaucoup sur moi, sur mon comportement. J’ai la chance d’être aidé par des gens formidables. En début d’année à HETIC, j’avais commencé à écrire un texte pour décrire mes sentiments. Cet article en est une autre forme.

Le slameur Grand Corps Malade est mon idole, sur plusieurs plans. Ce qui me touche chez lui, c'est qu'il n'a pas peur de parler de ce qu'il est. Dans ses textes, il parle de son handicap et cela lui donne la force d'avancer dans la vie. C'est pour cela que j'écris moi aussi. Mon rêve serait de pouvoir lui dire merci en face. Un jour, peut-être.”